Par Élyse Levasseur
Tout le monde est conscient que la gestion municipale des villes a évolué au fil des ans. En revanche, saviez-vous que les villes de Grand-Mère et Shawinigan ont été administrées pendant plusieurs décennies selon le modèle de la gérance municipale? Développée aux États-Unis au début du 20e siècle, la gérance est rapidement choisie au Québec par les villes de Westmount (1913) et Outremont (1918). Grand-Mère, quant à elle, adopte le système de gérance en 1920 et Shawinigan l’année suivante.
La gérance municipale consiste en une co-gestion formée par le conseil municipal et un gérant nommé conjointement par le conseil municipal et les compagnies sur le territoire. Les responsabilités du gérant municipal comprennent l’application des programmes municipaux, la sélection des chefs de service, la supervision générale du personnel et la préparation du budget. Le gérant doit aussi agir à titre de conseiller technique auprès du conseil municipal, lui adressant ses recommandations au besoin et renseignant le public sur l’état des affaires municipales. Au fil des ans, le rôle du gérant municipal s’apparentera de plus en plus à celui d’un directeur général. Il ne sera plus nommé ni payé par les compagnies et n’aura plus un mandat fixe de quelques années, mais deviendra un employé-cadre municipal.
Dans les cas de Grand-Mère et Shawinigan, la mise sur pied d’une gestion par gérance est attribuable à l’expansion fulgurante de leur développement urbain. Cette effervescence occasionne un manque d’argent pour la construction d’infrastructures. Ce manque est dû, entre autres, aux exemptions de taxes offertes aux grandes entreprises présentent sur le territoire : la Shawinigan Water and Power, la Belgo, la Pittsburg Reduction et la Shawinigan Carbide pour Shawinigan et l’usine Laurentide pour Grand-Mère.
Afin de renflouer leurs coffres, les deux villes souhaitent abolir ce privilège. Dans le cas de Shawinigan, les 4 grandes compagnies acceptent. En contrepartie, elles désirent que leur ville adopte le système de gérance municipale. Elles peuvent donc encore exercer un certain contrôle sur le développement de la ville et s’assurer que leurs taxes soient utilisées à bon escient, mais aussi en fonction de certains de leurs besoins et intérêts.
Pour Grand-Mère, les dirigeants de l’usine Laurentide prétendent qu’une bonne santé financière passe par une saine administration et non par l’abolition des exemptions de taxes dont elle bénéficie. La gestion municipale est la voie à adopter pour y parvenir. Finalement, la compagnie aura gain de cause. Elle conserve ses exemptions de taxes tout en contribuant au financement des infrastructures urbaines, en dotant, entre autres, la ville de Grand-Mère d’un nouvel aqueduc à ses frais.
À Shawinigan, le terme gérant municipal disparaît en avril 1977 lorsque monsieur Robert Lavallée abandonne le titre de gérant municipal pour celui de directeur général. À Grand-Mère, la disparition se fait plus doucement. On remarque toutefois que Jules Dubé se fait désormais appeler directeur municipal en janvier 1984.
SOURCES :
LAROCHELLE, Fabien. Shawinigan depuis 75 ans, Shawinigan, 1976, 747 pages.
LAROCHELLE, Fabien. Histoires de Shawinigan, Shawinigan, 1988, 345 pages.
RÉDACTION. « Au poste de gérant municipal de la Cité de Shawinigan… Jos. Buisson succède à M. Robert Dorion », L’Écho du Saint-Maurice, Vol. XLVI – No7, Shawinigan, mercredi 15 février 1961.
RUEST, Alain. « Le développement des institutions municipales à Grand-Mère de 1898 à 1925 », Mémoire de maîtrise, Trois-Rivières, Université du Québec à Trois-Rivières, 1993, 139 pages.